Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études

Publié le 19/04/2020

Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études, c’est le titre d’un livre d’Olivier Roland, publié en 2016 aux éditions Alisio. Je ne l’ai pas lu ! Donc je ne vous en parlerai pas. Mais j’aime bien le titre, et il illustre parfaitement mon propos. En effet, ce titre est vraiment provocateur, d’habitude on dit plutôt que « c’est une chance de réussir ses études ». Mais de quoi parle-ton ?

Les études, la réussite et les statistiques.

Est-ce que faire des études à notre époque garantit une réussite professionnelle ? Comment répondre à cette question ?

J’aime bien m’appuyer sur des chiffres. Par exemple, voici une statistique issue de l’Insee, sur laquelle on voit clairement que, en moyenne, le niveau de salaire augmente avec le niveau d’études.

Donc, oui, dans un certain sens, suivre un cursus académique long garantit un bon niveau de revenu. Mais, attention, il faut bien comprendre ce qu’est une statistique. Une statistique parle d’une cohorte de personnes, donne un résultat général.

Cela ne veut pas dire que, pour un individu donné (vous ou votre enfant par exemple), s’il a un diplôme du supérieur à bac+3 ou plus, il gagnera 1860 euros à son premier job, ou que s’il a un CAP-BEP il gagnera 1300 euros.

De même que dire que l’espérance de vie est 80 ans, ne veut pas dire que vous mourrez à l’âge de 80 ans. Ou encore, mettre son enfant dans un lycée où les résultats du bac sont de 99% de réussite, ne garantit pas qu’il aura son bac (et vice versa).

C’est donc une des premières difficultés en ce qui concerne l’orientation : prendre une décision pour un cas particulier en s’appuyant sur des résultats statistiques.

De quelle réussite parle-t-on ?

Une deuxième difficulté, source de malentendus, concerne la notion même de réussite. Dans le tableau précédent, on considère la réussite en termes de revenus. Quelle est votre notion de réussite ? Et celle de votre enfant ? Ce n’est pas forcément la même.

On peut opposer « réussir sa vie » et « réussir dans sa vie ». Être ou avoir.

« Réussir dans la vie » se définit plutôt en termes d’ « avoir ».

Voici quelques critères de réussite :

  • Avoir un métier qui apporte une sécurité financière
  • Avoir de l’argent
  • Avoir un toit et pouvoir se nourrir et se vêtir
  • Avoir des amis
  • Avoir une famille
  • Posséder une voiture et une maison
  • Pourvoir partir en vacances
  • Pourvoir payer des études à ses enfants
  • Posséder une Rolex à 50 ans 😊 (en référence à une phrase de jacques Séguéla à propos l’ancien président Nicolas Sarkozy : « si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie »)

Et tout cela est important, bien sûr. Cela fait plutôt appel à la comparaison, à la norme, aux valeurs familiales ou sociétales. Par exemple, dans ma famille, pour mes parents, le plus importants c’était la sécurité financière et le prestige social, se marier et avoir des enfants.

Ce sont les valeurs que nos parents nous ont transmises, et cela a influencé leurs propositions d’orientation.

« Réussir sa vie » se définit plutôt en termes « d’être ».

  • Être heureux, épanoui, aligné, en accord avec ses valeurs
  • Être utile aux autres, à la société
  • Réaliser un rêve, un défi (aller en Patagonie par exemple, ou écrire un livre)
  • Être aimé et aimer
  • Vivre de sa passion
  • Créer une entreprise
  • Voyager, lire, faire du sport…

On comprend que c’est une quête plus personnelle, loin des modèles sociaux ou familiaux. Plus difficile à cerner, car cela nécessite de bien se connaître.

La réussite c’est aussi atteindre un but que l’on s’est fixé.

Et pour cela, il est important d’avoir un but, un objectif.

Alors certes le but doit être réaliste (clairement pour moi, si mon but est de devenir une grande championne de tennis, c’est mal parti…), mais également suffisamment élevé. J’aime bien cette phrase qui est attribuée à Michel-Ange :

Le plus grand danger qui nous guette n’est pas de viser un but trop élevé et de le manquer, mais de viser une cible trop modeste et de l’atteindre.

C’est assez délicat de tenir entre avoir un but qui est impossible et nous laissera un sentiment éternel d’inachevé, d’échec, et  un but qui nous porte et nous aide à nous dépasser.

Par exemple, à 17 ans on peut avoir envie de devenir chirurgien. Et puis échouer trois fois en première année de médecine et devenir infirmier. Alors, échec ou réussite ?

Tout dépend de la motivation. Trop souvent, on ne sait pas pourquoi on veut faire telle ou telle chose. Par exemple, à quoi correspond le désir de devenir chirurgien ? Est-ce que c’est pour avoir une position sociale prestigieuse et un revenu élevé ? Est-ce que c’est pour sauver des vies ? Est-ce pour le côté dextérité manuelle ? Suivant la motivation, l’échec au concours de médecine sera vécu différemment. Devenir infirmier, si sa motivation c’était sauver des vies, sera une bonne façon de le faire et donc ce sera une réussite. (Si c’était gagner de l’argent, non 😊).

Je ne porte pas de jugement, je dis simplement que c’est important de savoir ce qui compte pour soi, et, si on accompagne son adolescent dans ses choix, de savoir ce qui compte pour lui, de l’aider d’abord à savoir ce qui compte pour lui.

Je constate avec l’expérience dans l’accompagnement, que dans la première moitié de sa vie, réussir dans la vie est le plus important, et puis, une fois un certain nombre de buts atteints, on s’intéresse plutôt à réussir sa vie. C’est ce que l’on appelle « la crise du milieu de vie ».

Entre 40 et 50 ans, souvent (mais parfois plus tôt, parfois plus tard, il n’y a pas d’âge), on se pose des questions existentielles. Souvent c’est à l’occasion d’un accident de parcours, personnel ou professionnel (licenciement, divorce, harcèlement, rachat de sa société, départ d’un enfant), et on aspire à autre chose. Pour construire un projet, en accord avec ses aspirations et ses compétences, pourquoi ne pas faire un bilan de compétences ?

Comment accompagner ses enfants dans leur orientation ?

L’orientation

L’orientation, c’est un enjeu clé en ce moment. Tout le monde, aussi bien les acteurs publics que privés, réfléchit sur l’orientation et propose des outils pour s’orienter… S’orienter pour orienter.

Bref, c’est le mot à la mode du moment.

Mais derrière cet engouement, se cache un profond questionnement existentiel.

A notre époque où l’injonction principale c’est de trouver sa place (y a-t-il une place qui nous attend quelque part ?), être heureux, « réussir sa vie », où beaucoup d’acteurs du développement personnel (moi y compris) nous disent que « tout est possible », qu’ «il faut croire en ses rêves »… la difficulté principale,  puisque tous les choix s’offrent à nous, c’est de choisir. Et le fait même de choisir peut mettre dans une situation de stress : est-ce qu’on fait « le bon choix » ?

Il n’y a de place, on crée sa place.

Certaines personnes ont une vocation, une mission depuis le plus jeune âge. Ma tante par exemple voulait être archéologue depuis très jeune, et elle a d’ailleurs atteint son objectif, puis a su le faire évoluer, elle est devenue conservateur de musée. Mais c’est quand même assez rare. La plupart des jeunes ne savent pas du tout « ce qu’ils veulent faire plus tard ». On entend souvent, ou on lit sur les réseaux sociaux, qu’il « faut trouver sa place », « trouver ce qui nous correspond ».

Oui certes. Mais attention ! Je ne crois pas qu’il y ait une place pré-existante pour nous, de même que je ne crois pas qu’il y ait une personne « prédestinée » pour nous, une « âme sœur » qui nous attend quelque part. Je ne crois pas que nous naissions avec des dons, des goûts, des prédispositions, mais que l’essentiel nous vient de notre éducation, de nos rencontres, d’une part de hasard…

En tout cas que l’inné n’est qu’une infime partie de notre personnalité, c’est l’acquis la plus grande part. Ce qui au passage fait que nous, les humains, sans pouvoir devenir autre chose qu’un être humain, nous sommes beaucoup plus plastiques que d’autres animaux. Nous naissons « trop tôt », nous ne sommes pas « finis à la naissance » et mettons très longtemps à être capable d’autonomie. (Un cheval par exemple sait marcher au bout de quelques heures). Cela nous rend vulnérable et fragile dans notre enfance, mais cela nous permet d’acquérir de nouveaux savoirs, d’être créatifs et inventifs, de sortir de la reproduction systématique de l’existant.

Donc, c’est à nous de nous créer une place, et ce n’est pas forcément en changeant radicalement que nous serons plus heureux, mais parfois en changeant simplement de vision sur ce que l’on fait. On peut être professeur de différentes façons : développer le côté créatif, insister sur la relation humaine ou encore sur la construction de séquences de formation.

On peut changer de place, changer de métier. Rien n’est définitif.

Avant tout, en matière d’orientation, il faut dédramatiser ! Il ne s’agit pas de faire « le choix de sa vie », irréversible. En revanche, ne pas choisir nous permettra à coup sûr d’arriver nulle part ou d’arriver là où les autres (parents, amis) ont envie que l’on soit. Choisir pour ne pas subir.

Il n’y a pas de bon ni de mauvais choix.

Je me suis longtemps posé des questions sur un choix de vie personnel. Cela me prenait la tête. Partir ou rester ? Rester ou partir ? Je m’en suis ouverte à un coach qui m’a dit cette phrase qui m’a libérée et que je vous transmets :

Il n’y a pas de bon choix, pas de mauvais choix. On fait un choix et on s’arrange pour que ce soit le bon.(Merci Philippe Geffroy).

Quand il s’agit d’accompagner, de conseiller votre enfant (un lycéen de Terminale par exemple), ayez en tête cet adage. Ce qui compte c’est qu’il fasse quelque chose qui lui plaise et dans la quelle il va avoir envie de mettre de l’énergie, et puis à partir de là, il pourra changer, s’adapter, trouver un chemin original qui n’est pas encore visible.

Il va peut-être commencer par faire médecine, puis se réorientera dans les ressources humaines, et son expérience, même très succincte en médecine, lui permettra de travailler dans un groupe pharmaceutique.

Si votre enfant a une idée, accompagnez le plutôt à creuser dans cette direction plutôt qu’à le décourager (même si cela vous inquiète). Il se rendra compte par lui-même si cela ne lui convient pas et n’aura pas ce regret (j’aurais du, j’aurais pu…). Il vaut mieux rater en médecine que tout sa vie se dire qu’on aurait voulu être médecin. Il vaut mieux se lancer sur YouTube et se rendre compte que ça ne marche pas, par soi-même.

On apprend toujours quelque chose, et ensuite s’il passe à autre chose, ce sera de lui-même. Bref, il vaut mieux avoir des remords que des regrets… (un remord est pratiquement toujours réparable, un regret non.)

Quelques pistes pour accompagner votre enfant dans ses choix d’orientation

Pour choisir une orientation et se motiver pour le lycée, qui n’est pas un moment facile dans la vie d’un jeune, nous pensons qu’il est fondamental de s’appuyer sur 4 piliers :

  • Mes forces, mes talents, ce que j’aime
  • Mes besoins, mes ressources
  • Mes valeurs
  • Mes rêves

Quand tout cela est clair, on peut alors construire un projet en adéquation, dans lequel on aura envie de s’investir.

Un exemple :  j’aime le rugby, parce que j’aime le travail d’équipe, j’aime être dehors, j’aime le sport, mon rêve c’est de partir en Nouvelle-Zélande parce que j’admire les joueurs néo-zélandais. Pour cela je dois maîtriser l’anglais. Donc je vais travailler l’anglais, je sais pourquoi. Plus tard, je me souviendrais des besoins et valeurs attachés au rugby, et même si mon projet évolue, je ferais attention à travailler en équipe, être dehors, faire du sport. J’aurais travaillé l’anglais et ça me permettra de partir faire des études à l’étranger….

Déterminer ses forces

  • Quelles sont les activités que tu aimes pratiquer, qui font que tu ne voies pas le temps passer ?
  • Qu’est-ce qui te plaît dans cette activité ?
  • Dans quels moments tu te sens heureux ?
  • Qu’est-ce qui précisément te rend heureux à ce moment-là ?
  • Fais une liste de trois choses que tu fais très bien.
  • Qu’est-ce que les autres te reconnaissent comme talents ?

Déterminer ses valeurs

Voici une liste de valeurs :

Acceptation, accomplissement, action, adaptation, affirmation, amitié, amour, apprentissage, autarcie, authenticité, autonomie, autorité, aventure, beauté, bien-être, bienveillance, bonté, calme, charité, compassion, conciliation, confiance, confort, conscience, coopération, courage, créativité, découverte, détachement, dévouement, discernement, discipline, don, douceur, éducation, efficacité, égalité, élégance, enthousiasme, entraide, équanimité, équilibre, espérance, éveil, excellence, expérimentation, exploration, famille, fidélité, flexibilité, force, générosité, honnêteté, honneur, humanité, humour, indépendance, influence, information, innovation, inspiration, intégration, intégrité, intelligence, invention, joie, justice, liberté, maîtrise, maturité, méditation, mobilité, optimisme, originalité, paix, passion, perfection, performance, persévérance, plaisir, pondération, présence, prospérité, pudeur, puissance, qualité, réalisme, recherche, régularité, respect, responsabilité, réussite, sagesse, sensibilité, sérénité, silence, simplicité, sincérité, sociabilité, stabilité, succès, tendresse, tolérance, transmission, universalité, utilité, vérité.

Choisis-en 10, puis classe les. Garde en mémoire les trois premières. Comment s’expriment-elles dans ta vie ?

Déterminer ses besoins

Imagine que tu t’endors, et pendant la nuit, une fée se penche sur toi, et le lendemain tu te réveilles dans un monde idéal. C’est comment ? Raconte précisément. Tu auras une idée de ce qui est important pour toi, de tes besoins.

Déterminer ses rêves

  • Fais ta bucket list : Les 20 choses que tu voudrais faire avant de mourir. (Sans t’occuper de si c’est faisable ou pas…)
  • Si tu gagnais au loto, et que tu avais tout l’argent dont tu rêves, comment vivrais-tu? Que ferais-tu? Sois le plus précis possible, imagine une journée, une semaine, une année.

boussole bilan de compétence

Pour aller plus loin :

Lectures :

  • Isabelle Servant Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie ? Editions Eyrolles
  • Philippe Geffroy et Sylvie Ferrieu-Geffroy, cahier d’exercices pour réussir sa vie ESF éditeur

Coaching d’orientation

Vous pouvez faire un bilan d’orientation avec un coach.

Des sites ressources

Pour trouver du sens:

Pour se faire accompagner dans son parcours d’orientation:

Des renseignements sur les métiers: