A notre époque, il n’est pas rare que les gens fassent plusieurs métiers au cours de leur vie professionnelle.
Et que leur métier actuel n’ait rien à voir avec les études qu’ils ont faites, et qu’ils ignoraient tout de ce métier quand ils étaient étudiants. Voire que ce métier n’existait même pas.
Parfois, on change de job malgré soi, après un licenciement par exemple, ou un grave ennui de santé. Dans d’autres secteurs, c’est l’évolution « naturelle ». Les ingénieurs se retrouvent souvent managers. Ils passent de postes techniques à des postes de commerciaux. Les postes évoluent, même si cela reste dans la même société.
Ou au contraire, on exerce le même métier, mais dans des environnements très différents (cuisinier par exemple.)
Mais certains secteurs échappent à cela. Le métier de professeur par exemple.
On devient professeur de français parce qu’on a fait des études de français, on devient professeur des écoles après avoir suivi le cursus prévu. Les études correspondent parfaitement au poste (encore que…on n’est pas vraiment formés pour réagir face à certains comportements d’élèves), et, sauf dans l’enseignement privé, un professeur n’a jamais passé un entretien d’embauche. Il est muté et évolue suivant un système de points très complexe. Il y a les inspections plus ou moins régulières, qui sont plutôt mal vécues par les professeurs, et des évaluations administratives. Maintenant cela s’appelle « Evaluation et rendez-vous de carrière« , mais les choses ne semblent pas avoir tellement évolué depuis 5 ans que j’ai quitté l’Education Nationale. C’est toujours vécu comme un mauvais moment, qui n’apporte pas grand-chose sur le fond. En début de carrière on change d’établissement, de classe, de région parfois, puis au bout d’un moment (plus ou moins vite), on se retrouve titulaire dans un établissement qui nous convient, et on ne bouge plus.
Et certains professeurs sont satisfaits et heureux de cette stabilité, tant mieux.
Moi, à 40 ans, j’étais au top de mon grade, dans un des meilleurs lycées de France, dans une des « meilleures » classes de prépa du lycée. J’étais arrivée. Fin de l’histoire. la suite de ma carrière ne serait qu’une répétition. Pour moi, c’était étouffant, insupportable.
Mais les autres? Pour évoluer, il est possible de devenir Proviseur, proviseur adjoint, ou bien inspecteurs. Ou encore formateur, ce qui est encore de l’enseignement. Et cela passe par un concours. Il y a parfois des possibilités de détachement. on peut consulter l’excellent site de l’association Aide aux profs, qui propose des ressources pour les professeurs en réflexion.
Mais la culture de l’Education Nationale, c’est de rester dans l’Education Nationale. Pour en sortir, c’est le parcours du combattant.
Un professeur est censé rester professeur toute sa vie. D’ailleurs, que pourrait-il faire d’autre?
C’est la que le piège se referme de façon machiavélique. Parce que pour partir, il faut être en capacité d’imaginer ce qu’on pourrait faire d’autre. Sauf dans les cas d’ennui de santé, un professeur n’a aucune raison de changer de métier. C’est l’avantage (mais il y a le revers de la médaille) du statut de fonctionnaire. Jamais passé d’entretien d’embauche, pas de licenciement possible. Le salaire chaque mois, la sécurité.
Quitter l’Education nationale, beaucoup en rêvent, mais n’osent pas. La première question qui se pose est « pour quoi faire? »
Je me souviens que quand j’ai quitté mon poste de professeur de prépa en 2015, une collègue d’allemand m’avait dit « j’aimerais bien faire comme toi, mais je ne sais rien faire à part enseigner ». Plusieurs collègues m’ont dit des choses semblables.
Je trouve ça très triste de se retrouver après plusieurs années de carrière, voire plusieurs dizaines, et de dire « je ne sais rien faire d’autre ».
Que faire quand on se sent mal dans son métier, ou, quand, comme c’était mon cas, quand on a envie de changer d’horizons, de faire de nouvelles expériences?
Tout d’abord, il faut éclaircir si c’est le métier qui ne nous convient plus, si c’est un problème d’organisation personnelle, d’équilibre, (le travail empiète trop, voire totalement sur la vie privée), ou si c’est le contexte (l’établissement, les élèves, certains collègues…) qui ne nous posent problème.
Si ensuite on envisage de partir, il est important d’avoir un projet construit, qui soit en accord avec ses valeurs, et qui soit suffisamment important pour dépasser ses peurs.
Car des peurs et des freins, il y en a beaucoup. Peur de l’inconnu, peur du manque d’argent, peur de devoir déménager, peur de perdre sa sécurité… Et la peur de l’échec! Car l’échec est mal vu à l’école. Et oui, si on fait autre chose, on peut se planter. Mais, c’est comme cela qu’on pousse!
Il faut avoir une bonne dose de confiance en soi, et le moins qu’on puisse dire, c’est que la confiance en soi est une denrée rare chez les professeurs. La confiance en leur capacité de faire autre chose. J’ai beaucoup d’empathie pour les professeurs. Ils font des choses complexes, ils savent parler en public, gérer des groupes, construire des formations, monter des projets, se former sans cesse, et ils disent d’eux-mêmes « je ne sais rien faire d’autre ». Ils n’imaginent pas que les compétences qu’ils ont acquises ont une valeur en dehors de l’Education Nationale.
Il faut également être au clair sur ce que l’on quitte, et s’attendre à une période de deuil, surtout si on quitte le giron de la fonction publique pour se mettre à son compte.
Parfois on renoue avec un projet de jeunesse (monter un restaurant par exemple, ou devenir photographe), et qui n’a rien à voir avec le métier de professeur exercé, mais le plus souvent, les projets qui aboutissent sont en lien avec la situation précédente. On reste en lien avec sa matière, mais on l’aborde différemment, ou on reste en lien avec les jeunes, ou avec le fait de transmettre. Très souvent les professeurs se reconvertissent dans l’accompagnement, les cours particuliers ou le coaching scolaire, ou restent en lien avec la culture. Vous trouverez des histoires de profs « reconvertis » sur le site d’Après prof. Vous pouvez également lire mon parcours ici.
La bonne nouvelle, c’est que réussir sa reconversion c’est possible.
Elle sera d’autant plus réussie qu’elle sera précédée d’une riche réflexion en amont.
Les étapes:
- Identifier si ce qui ne nous convient plus c’est notre métier, ou si c’est les circonstances.
- Se connaître soi-même: ses valeurs, ses forces, ses rêves.
- Nourrir sa confiance. S’entourer de personnes qui nous soutiennent.
- Imaginer précisément la vie idéale.
- Identifier les peurs, les freins.
- Oser imaginer un (des) métier(s) de rêve.
- Aller interviewer des gens qui exercent ce(s) métier(s) de rêve: comment en sont-ils arrivés là, comment cela se passe concrètement,…
- Passer du rêve à la réalité.
- Identifier les actions nécessaires pour y arriver, le temps également.
- Puis évaluer si on a effectivement envie de se lancer. Prévoir des plans B.
- Go!