Climat de stress
Si vous avez un enfant en première ou terminale, vous savez certainement de quoi il est question. Particulièrement pour ceux qui sont en première, première année de la réforme également, dans une ambiance où l’inconnu se mêle aux très fortes revendications des professeurs, vent debout contre la réforme.
Le bac qui a maintenant lieu en plusieurs épreuves, commence en janvier de la classe de première par les E3C (E3C= épreuves communes de contrôle continu,voir cet article du Huffington Post), épreuves qui représentent 30% de la note du bac. Cette année, le climat est particulièrement peu propice. Les élèves ne sachant pas à quoi s’attendre, ils sentent bien que leurs professeurs sont en révolte et ne veulent pas faire passer ces épreuves. Dans certains établissements elles ont été repoussées ou annulées.
Les revendications des professeurs, qui dépassent largement la problématique des E3C et qui s’inscrivent dans le mouvement de protestation général en France (gilets jaunes, stylos rouges, grèves et manifestations contre la réforme des retraites), qui même si elles sont légitimes (ce qui n’est pas le sujet de mon article), induisent un climat tendu que ressentent les élèves.
Je reçois beaucoup d’élèves stressés, débordés, ne sachant pas s’organiser, travaillant beaucoup sans efficacité, et dans un état proche du burn-out.
Mais d’où vient la pression?
L’élève est au centre d’un système et subit des pressions de trois côtés.
Pression internes
À l’adolescence, le corps change et on n’a du mal à s’y retrouver, à se reconnaître. On est pris dans des désirs contradictoires, entre faire plaisir à ses parents et construire sa propre vie, entre le plaisir immédiat (être avec ses amis, sur les réseaux sociaux, jouer, etc.) et un plaisir différé (pourvoir « réussir sa vie », avec tout ce que cela comporte de flou et d’incertain) ou encore entre le désir de rester un enfant qui vit dans l’instant présent et fait ce qu’on lui dit, en protestant plus ou moins, et le désir d’autonomie, devenir un adulte qui fait ses propres choix.
Pression du lycée
Il y a la pression du système scolaire, évaluations, bac, choix d’orientation, etc. Il a été dit et redit en mains endroits la violence du système éducatif français, élitiste et inégalitaire (même si tout part souvent d’un bon sentiment). De plus, les professeurs, qui sont eux-mêmes soumis à de fortes pressions, ne réussissent pas toujours à laisser les élèves en dehors de leurs problématiques, voire parfois impliquent les élèves dans leurs luttes.
La pression vient également des pairs, de la comparaison avec les autres. La comparaison, qu’est-ce que ça détruit la confiance et l’énergie! Il y a aussi des idées reçues qui circulent entre lycéens, des jugements de valeurs définitifs, qui vont détourner le jeune d’une voie qui lui conviendrait mieux et le maintenir dans un système (par exemple rester en filière générale) qui le broie.
Pressions de la famille
La famille est également un lieu de pression. La pression familiale peut prendre différents visages, parfois même des visages bienveillants.
Les parents veulent le meilleur pour leur enfant, et souvent considèrent qu’il a un potentiel qu’il n’exploite pas. Ils veulent donc l’aider à développer son potentiel. Bien sûr, c’est super d’avoir des parents qui ont confiance en vous, et qui vous voient comme une personne « capable ». Mais je me demande si à l’adolescence c’est approprié. Autant cette attitude peut nourrir la confiance d’un jeune enfant, autant cela peut être angoissant pour un adolescent qui a souvent le sentiment d’être un imposteur. La volonté parentale de sans cesse trouver des solutions pour son enfant, posture qui maintient dans la toute puissance (« moi, en tant que parent je peux t’aider à t’accomplir« ) peut aussi être source de pression.
Les frères et sœurs peuvent également être source de pression. Même quand les parents ne font pas de comparaison (ce qui est très rare quand même), l’évidence est là. Surtout quand l’adolescent va choisir la même voie que son aîné. Ce qui peut être dommageable dans un sens ou dans l’autre. J’ai rencontré un jeune qui avait déjà eu du mal à rentrer dans une école d’ingénieurs, qui devait travailler énormément pour cela, et dont le petit frère, sans doute par admiration de l’aîné, a voulu faire la même école. Ecole dans laquelle il a brillamment réussi, et s’est également intégré auprès de ses camarades avec facilité, c’était un leader. Son frère faisait pâle figure à côté de lui. Il a d’ailleurs cessé de travailler et s’est laissé couler dans l’échec.
Comment l’adolescent résiste à la pression? Une technique est le « je m’enfoutisme » (apparemment), autrement dit la résistance passive, accompagnée de jugements définitifs sur lui-même. Comme me l’a dit un jeune client ce matin, « je suis flemmard« . « J’ai envie de travailler mais je ne m’y mets pas ». S’ensuit alors une lutte entre les parents et l’adolescent, et le seul sujet de conversation devient le lycée, le travail scolaire, l’avenir, la réussite (ou la non-réussite). Plus de pression parentale engendrant plus de résistance passive chez l’adolescent, attitude qui génère à son tour l’angoisse des parents et donc encore plus de pression, etc. C’est un cercle vicieux qui s’enclenche.
Une autre façon de réagir face à la pression est de se rendre malade, au propre et au figuré, voire de se retrouver dans l’incapacité physique d’aller au lycée. (La phobie scolaire).
La difficulté pour les parents est de trouver la juste attitude, entre le cadre et la confiance, et surtout de ne pas projeter ses angoisses sur son adolescent.
Quelques clés pour faire retomber la pression
S’il existe de nombreuses méthodes reconnues comme travailler sur la respiration, faire du sport, parler de son stress, etc. Certains aspects du quotidien me semblent tout aussi importants.
En cas de crise aiguë de stress
Changer ses méthodes de travail
Parfois le stress et le découragement viennent de mauvaises méthodes de travail et d’organisation. Trouver des méthodes de travail efficaces et adaptées est très bénéfique pour enclencher un cercle vertueux, redonner la confiance et donc faire baisser le stress. C’est un travail qui peut être fait avec un coach scolaire.
Relâcher la pression du côté de la famille
Il y a parfois des phrases ou des croyances que l’on a sur nos enfants qui ne sont pas aidantes pour lui. Faire ses devoirs avec lui envoie souvent un signal négatif « tu n’es pas capable« . Le responsabiliser, cela passe aussi par la possibilité qu’il ait des mauvaises notes ou des remarques de ses professeurs. Il faut faire attention à sa demande. Demande-t-il de l’aide pour son travail? Demande-t-il de l’aide pour l’organisation? Le rôle du parent au lycée est plutôt celui de « gardien du temps » et « gardien du téléphone portable », pendant le temps de travail.
Certains enfants ont besoin de cadre, (pas de sanctions…) mais d’autres ont besoin de confiance et de liberté, quitte à en assumer les conséquences. Et ça, les conséquences, les parents ne sont pas souvent prêts à les assumer eux. Oui, il ne pourra peut-être pas faire l’école d’ingénieur dont il rêve (à voir s’il en rêve vraiment) s’il n’a pas « un bon dossier ». Mais est-ce qu’il ne faut pas plutôt prendre le problème à l’envers? S’il n’a pas « un bon dossier » est-ce que cela ne veut pas dire qu’il a peut-être autre chose à faire?
Avoir des plans B et C
La pression vient souvent du fait qu’e l’adolescent a une seule idée (« je veux être vétérinaire« ), et une seule voie pour y arriver. Et cette voie passe par avoir une bonne note à cette f* évaluation de maths!
Avoir plusieurs projets, avoir des exemples de personnes qui ont suivies d’autres voies que les voies académiques, permet de relâcher la pression.
Discutez avec votre enfant sur votre propre parcours, vos interrogations à son âge, permettez-lui d’exprimer ses rêves, sans jugement, même si c’est difficile pour lui. Envisagez même la possibilité qu’il n’ait pas son bac. Et alors?
Savoir qu’on a droit à l’échec permet souvent de relâcher la pression, et paradoxalement, de réussir.
Accepter ses limites en tant que parents et lâcher l’affaire
Mais souvent, à l’adolescence le dialogue est difficile. La « prise » sur ses enfants ne marche plus comme avant. Les menaces, les promesses, les sanctions ne fonctionnent plus. C’est un moment difficile à passer pour les parents, on voit bien que son enfant (son « bébé »!) va mal, mais on est la personne la moins bien placée pour l’aider. C’est normal.
Lâcher l’affaire, ça veut dire exprimer ses craintes à votre enfant, et votre impuissance. « J’aimerais t’aider, mais je ne sais pas quoi faire ». Vous ne pouvez pas le motiver! Personne ne peut. C’est important de lui dire. Je reçois souvent des jeunes qui ont perdu la motivation pour travailler. Bien sûr, il y a des pistes et des méthodes pour trouver sa motivation (se projeter dans un avenir désirable , ou envisager les conséquences concrètes si on ne se met pas au travail par exemple), mais avant tout, cela viendra de lui. Et ça me paraît important de lui dire, qu’il n’y pas de recette magique qui va faire que tout d’un coup, il va se retrouver super motivé.
Et souvent, quand on le laisse exprimer ses besoins, quand on les entend, il propose des solutions. J’ai reçu l’an dernier un jeune homme de Terminale qui, pour pouvoir travailler, avait besoin que quelqu’un (pas ses parents), chaque semaine pendant deux heures, l’aide à faire son emploi du temps de la semaine, puisse répondre à ses questions et surtout lui demande des comptes sur ce qu’il avait fait la semaine précédente. Ses parents considéraient « qu’à son âge », il n’avait pas besoin de ça. Et pourquoi non? Finalement, ils ont mis ça en place avec un étudiant qui venait deux heures le samedi matin, et il a retrouvé sa motivation et sa confiance. Et il a réussi à se passer de son aide au bout de trois mois.