Les maths ont ceci de commun avec le mariage, c’est qu’elles permettent de résoudre des problèmes que sans elles on ne se serait jamais posé !
Non, je crois que c’est plutôt le contraire, dès le départ, avec les nombres et avec les figures géométriques, les hommes se sont posés des questions. Et ils ont inventé les maths permettant d’y répondre.
Les amateurs de maths se distinguent par leur aptitude et engouement à se poser des questions. C’est pourquoi les mathématiques font profondément partie de la culture humaine.
Est-ce que cette équation a des solutions ? Comment les trouver ? Y en a t-il d’autres ? Est-ce qu’on peut construire ce nombre à la règle et au compas? Est-ce que cet axiome est nécessaire ? Qu’est-ce qu’il y a de communs entre ces deux situations ? Est-ce qu’on peut généraliser?
Voici quelques exemples de questions, qui peuvent paraître anodines ou artificielles, mais qui ont profondément fait avancer les mathématiques.
Les équations diophantiennes.
Diophante est un mathématicien grec ayant vécu probablement au 3ème siècle après JC.
Il s’intéressait principalement aux équations portant sur les nombres rationnels positifs, que l’on appelle équations diophantiennes aujourd’hui.
Quelques exemples :
Résolution d’équations du premier degré : 2x=3
Résolution d’équations du second degré : 2x^2=3x+4
Décomposer un nombre carré en somme de deux carrés : par exemple 3^2+4^2=5^2. On retrouve là le fameux théorème de Pythagore.
Diophante est également célèbre pour l’énigme qui se trouve sur sa tombe, en guise d’épitaphe que j’ai développé dans un article précédent.
Trouver un algorithme pour savoir si une équation diophantienne a des solutions faisait partie des problèmes que le mathématicien Hilbert a posé à la communauté au début du 20ème siècle. Celui là a été résolu en 1970, par la négative.
Le problème de Fermat est également une équation diophantienne.
Le théorème de Fermat
Venons en à Pierre de Fermat, surnommé le prince des amateurs ( de maths). En effet il n’était pas mathématicien de son état, mais magistrat. Il a néanmoins grandement contribué à l’essor des mathématiques. Le dernier problème de Fermat, qui est restée une conjecture jusqu’en 1995, a fait rêver et est à l’origine de la passion pour les maths de biens des gens. Andrew Wiles, qui a finalement résolu cette énigme, s’était promis à l’âge de 7 ou 10 ans de la résoudre. Encore aujourd’hui, nombreux sont ceux qui continuent à chercher une démonstration de ce théorème. En effet celle d’Andrew Wiles fait plus d’une centaine de pages, et fait référence à des maths très sophistiquées. Qui n’existaient pas à l’époque de Pierre de Fermat. C’est pour cela que la recherche continue : quelle était l’idée du grand homme (qu’il n’a pas eu la place d’écrire dans la marge du livre qu’il était en train de lire…) ?
Je fais partie des gens qui pensent que Fermat n’a pas trouvé la démonstration. Il a eu une idée qu’il n’a pas pu vérifier, et qui était sans doute fausse. On trouve d’ailleurs sur internet des quantités de « fausses » démonstrations du théorème de Fermat.
Cela n’empêche pas que Fermat était vraiment une pointure. Voici un autre théorème qu’il a démontré lui-même cette fois, connu sous le nom de « petit théorème de Fermat ».
Si p est un nombre premier et si a est un entier quelconque, alors a p – a est un multiple de p.
Ce théorème, qui était simplement une question que s’est posée Fermat, a trouvé bien plus tard des applications, en particulier pour tester si nombre est premier, question cruciale à notre époque pour tout ce qui concerne la cryptographie. Mais je ne pense pas que ses motivations aient été pragmatiques. Mais plutôt ludiques. D’ailleurs, il aimait lancer des défis à la communauté des mathématiciens de son époque (en même temps, il a aussi lancé un fameux défi aux mathématiciens après lui…)
Fermat est encore une magnifique source d’inspiration aujourd’hui. L’association Fermat Science, basée à Beaumont de Lomagne, ville natale de Pierre de Fermat, propose une autre approche des mathématiques.
Questions de nombres entiers.
Des problèmes sur les nombres entiers, il y en a pléthore, et encore beaucoup d’irrésolus à l’heure actuelle. Ces problèmes sont fascinants parce que simples à comprendre. En effet quoi de plus simple que les nombres « entiers naturels », 1,2,3,4,…. Tellement « naturels », car ils pré-existent dans notre cerveau, c’est ce qu’à démontre dans ses travaux Stanislas Dehaene, neuroscientifique de renom. On peut regarder avec profit ce cours du collège de France, dans lequel il expose ses résultats.
Ce qui est fascinant avec les nombres entiers, c’est que la structure interne en soi si complexe. Parmi les nombres, il y a les nombres premiers, qui n’ont aucun autre diviseur que 1 et eux-mêmes. 2,3,5,7,11,13,17,19,23,etc. Il y en a une infinité, mais aucune formule qui peut donner le « nième » nombre premier, ni le successeur d’un nombre premier donné. Les nombres premiers servent à définir tous les nombres, chaque entier étant le produit de plusieurs nombres premiers. Leur répartition reste mystérieuse. Il y a des plages aussi grandes que l’on veut d’entiers consécutifs ne contenant aucun nombre premier, mais également énormément de nombres premiers jumeaux, c’est à dire deux nombres premiers distincts de 2 unités, comme 5 et 7, 11 et 13, etc. A l’heure actuelle on pense qu’il y en a une infinité, mais c’est encore une conjecture.
Pour tuer le temps pendant une conférence ennuyeuse, le mathématicien Stanislaw Marcin Ulam s’est mis à gribouiller. Mais comme c’était un mathématicien, il a gribouillé avec des nombres, et a crée « la spirale d’Ulam« , qui permet de visualiser la distribution des nombres premiers parmi les nombres, et dans laquelle on remarque des alignements mystérieux.
On écrit les nombres en spirale à partir du 1.
Ensuite on marque en noir les nombres premiers. Cela donne de très beaux tableaux abstraits, dans lesquels on peut remarquer de singuliers motifs.
La conjecture de Goldbach est également une histoire de nombres premiers :
Tout nombre entier pair supérieur à 3 peut s’écrire comme somme de deux nombres premiers.
Par exemple 4=2+2, 12= 7+5, 22=17+5, etc.
C’est une conjecture, parce qu’à l’heure actuelle, on ne sait pas si elle est vraie ou fausse. Tous les nombres que l’on a exploré vérifient cette conjecture, mais comme il y a une infinité de nombres, il faut trouver une autre idée….
La symbolique des nombres.
Les hommes ont toujours été fascinés par les nombres, à commencer par les pythagoriciens. Pour eux, la nature première de chaque chose était le nombre. On trouve encore dans les religions, dans tout ce qui est lié au sacré, une grande importance des nombres.
Extraits :
Chaque nombre, en effet, correspond à quelque puissance. Ainsi, pour prendre un exemple, il existe dans la nature quelque chose qui comporte commencement, milieu et terme. Eh bien ! c’est à cette forme et à cette nature qu’ils [les pythagoriciens] ont appliqué le nombre trois… Aussi font-ils de dix un nombre parfait ou plutôt le plus parfait de tous, puisqu’il comprend en lui toutes les différences des nombres… : toute raison, toute proportion, toute forme numérique sont contenues dans la décade [1 + 2 + 3 + 4 = 10]. » (Porphyre, Vie de Pythagore, § 51-52).
Le pythagoricien Philolaos (vers 430 av. J.-C.) tient que le nombre 1 symbolise le point, le 2 la ligne, le 3 le triangle, le 4 le volume [voir Platon], le 5 les qualités et les couleurs, le 6 l’âme, le 7 l’esprit, la santé et la lumière, 8 l’amour, l’amitié, la ruse et l’intellection, le 10 la perfection.
Ces recherches ont mené à des théorèmes mathématiques très intéressants. Une des préoccupations des pythagoriciens étaient les constructions à la règle et au compas.
Construction à la règle et au compas.
Ce qui a donné lieu a des célèbres énigmes, qui sont restées de nos jours comme expression courante d’un problème insoluble : « la quadrature du cercle ».
Le problème de la quadrature du cercle, consiste à construire, avec des règles bien précises (à la règle et au compas) un carré de même aire qu’un disque donné. C’est un problème insoluble. On utilise cette expression pour désigner un problème insoluble (par exemple, trouver une solution au conflit israëlo-palestinien…)
Il y a deux autres problèmes insolubles de la même époque, l’Antiquité, mais qui n’ont pas donné lieu a une expression du langage courant. Il s’agit de la duplication du cube et de la trisection de l’angle.
Le problème de la duplication du cube a une origine mythologique amusante : La peste ravageait la région de l’Attique. On envoya des émissaires consulter l’oracle de Délos pour savoir comment apaiser la colère des Dieux. L’oracle demanda que l’on double l’autel qui était de forme cubique. Les dieux sont facétieux, ce problème étant insoluble….
Ces questions ont donné lieu à de nombreux développements et inventions mathématiques.
Des histoires de lapins et de nombre d’or.
Fibonnacci, mathématicien italien du 12 ème siècle, lui s’intéressait à la prolifération des lapins.
Il a par cette simple question permit de développer le concept de suites, et de plus a trouvé un lien avec le nombre d’or. Nombre qui fascine toujours actuellement, et qui apparaît magiquement ( ?) dans la nature, par exemple dans la disposition des graines sur la fleur de tournesol.
La suite de Fibonnacci est la suite de nombres suivantes: 1,1,2,3,5,8,13,21,… chaque nombre de cette suite est la somme des deux précédents.
Cette simple question de nombre de lapins a été très féconde (c’est le cas de le dire) sur le plan mathématique.
Les équations et les nombres complexes.
Les questions de résolution d’équations ont toujours été centrales. Une fois le problème des équations du premier degré résolu, est venu celui des équations du second degré, du troisième degré… Et c’est pour résoudre ce problème que les mathématiciens ont inventé les nombres complexes ! Et je trouve cela particulièrement fort et puissant. Les mathématiciens inventent leurs propres outils pour trouver des solutions à leur problèmes. Ils s’affranchissent des sentiers battus, des préjugés. Ils créent.
Le chevalier de Méré et les probabilités.
Le calcul des probabilités est apparu tardivement dans l’histoire des mathématiques, en partie parce que le hasard était l’oeuvre de Dieu, et que vouloir prévoir le hasard c’était outrepasser sa situation d’homme. Les jeux de hasard ont été interdits longtemps par l’église. Mais les hommes aiment jouer, aiment gagner, et donc aiment prévoir. La théorie des probabilités a été formalisée par Kolmogorov en 1933, mais les prémices datent de l’époque de Pierre de Fermat justement.
Le chevalier de Méré était un noble de la cour de Louis XIV, qui aimait jouer aux dés.
Lui, les questions qu’il se posait étaient les suivantes:
Est-ce que quand on lance 4 fois un dé, on a intérêt à parier sur l’apparition d’un 6?
Est-ce que quand on lance 24 fois deux dés, on a intérêt à parier sur l’apparition d’un double-six?
Cela a été le point de départ de fructueuses discussions entre Pascal et Fermat, qui ont donné ensuite naissance à la théorie des probabilités, et aux statistiques, qui prennent tant de place dans notre vie actuelle.
Les questions dans l’enseignement des mathématiques.
C’est dommage à mon sens que l’enseignement des mathématiques en France ne soit pas basé sur les questions. Un cours de maths traditionnel, du moins en classes préparatoires, c’est plutôt une suite de solutions… On introduit des notions, on donne des théorèmes, des propriétés. Puis ensuite on pose des exercices, pour pouvoir appliquer le théorème vu en cours. Mais si on inversait? Parce que les objets mathématiques, les théorèmes, ils ont été inventés pour répondre à des questions! On focalise plutôt sur la quantité de théorèmes, de notions, au lieu d’insister sur la méthode, l’approche. Peut-être qu’avec l’engouement pour la méthode Singapour, on va introduire un peu plus de questions dans l’enseignement, de manipulations, de plaisir de la découverte….
voir: https://www.ouest-france.fr/europe/france/education-c-est-quoi-la-methode-de-singapour-copiee-partout-5335113
Parce que les maths, c’est un jeu! Se poser des questions, chercher des solutions, résoudre des énigmes….
Et le rapport avec la vraie vie dans tout ça ?
Je constate que se poser des questions est une activité humaine centrale, en tout cas c’est une activité qui à mon sens, rend la vie plus belle. Il n’y a pas qu’en maths qu’on se pose des questions bien sûr. Parfois les questions s’imposent à nous, sous forme de problème, de blocage, d’obstacles. Les mathématiques peuvent nous donner une méthode de résolution de ces problèmes. Elles sont un outil puissant, que l’on peut utiliser dans d’autres domaines que les questions mathématiques. En particulier, le côté créateur des mathématiques, qui permet d’inventer de nouveaux outils ou de faire des ponts entre différents domaines, est particulièrement efficace dans la résolution de problèmes de la vie.
J’utilise cette approche dans mes accompagnements en coaching.