L’enseignement traditionnel en France, au lycée et en prépa est avant tout focalisé sur le contenu, un peu sur le processus et très peu sur le sens. Le sens de l’enseignement (pourquoi on doit aller à l’Ecole, en quoi c’est une chance) et les processus d’apprentissage ne sont pratiquement pas explicités aux élèves. Ce qui fait que dans bien des cas, ils le subissent, parfois souffrent, se révoltent et abandonnent ou s’étiolent.
Considérons les programmes de mathématiques en classes préparatoires scientifiques comme exemple.
À quoi les professeurs passent-ils le plus clair de leur temps pendant les cours devant les élèves ? À énoncer des définitions, à démontrer des théorèmes et à corriger des exercices. Pendant les heures de cours, assez peu de temps est laissé à la recherche d’exercices aux élèves en autonomie: le programme est trop lourd et les élèves trouvent assez peu d’exercices par eux-mêmes si on les laisse chercher en classe. L’accent est mis sur la quantité. Seuls les meilleurs ont un peu le temps de chercher en même temps que le professeur expose, de toute façon les autres n’ont pas compris. La grande majorité des élèves doit passer du temps après les cours à comprendre ce qui leur a été exposé en classe. Ils ont bien entendu des exercices et des problèmes à chercher, mais bien souvent, quand il y a un devoir à rendre, le professeur trouve le même exemplaire recopié plusieurs fois…
Comment on apprend un cours, qu’est-ce qu’il y a d’important, comment fait-on le tri entre les différents niveaux d’informations, comment on comprend un cours, qu’est-ce que ça veut dire avoir compris, comment sait-on qu’on a compris ? Et pour quoi apprend-on un cours ? Comment on cherche un exercice, quelles questions doit-on se poser, d’où viennent les idées,… ? Tout cela n’est pratiquement pas exposé en classe. Quant au sens, pour un prof de mathématiques, il est clair, faire des mathématiques c’est très important, point.
Au mieux, certains professeurs situent les notions abordées dans le contexte historique ou technique d’aujourd’hui (on justifie l’importance des mathématiques parce qu’on en trouve dans les avions et les téléphones portables; ce qui, en général ne satisfait pas l’élève qui se pose cette question. Car sa question est plutôt, « à quoi cela me sert à moi? »). Voir mon article « dites Madame, à quoi cela sert les maths? » ou « maths et développement personnel« , ou bien l’intéressante vidéo d’Antoine Houlou-Garcia. (Toutes ses vidéos sont passionnantes d’ailleurs)
Mais que reste-t-il aux élèves de tout cela quelques années après ? À part ceux qui sont devenus des mathématiciens professionnels, ils ne retiennent quasiment rien du contenu, de tous ces beaux théorèmes enseignés (il ne faut même pas forcément attendre des années. Dès les concours réussis, c’est l’oubli…). Ils se souviennent un peu ce que veut dire la rigueur de raisonnement, ils ont confiance en leurs capacités, n’ont pas peur devant une formule de mathématiques ou un calcul long ; ils ont appris à faire face à une grande quantité de travail, et savent (ou pas) à gérer leur stress. Les mathématiques restent souvent associées souvent à un « mauvais souvenir». C’est encore pire en classes préparatoires économiques, où les mathématiques apparaissent en général comme un processus de sélection.
Finalement, ce que retiennent les étudiants, c’est du processus et du sens.
Le coaching inverse clairement les priorités. Ce qui est au cœur du coaching, c’est le processus, afin d’aider le client à retrouver du sens.
Pourquoi donc ne pas inverser la posture de l’enseignant ? L’enseignant coach apporte du sens, du processus et peu de contenu. À notre époque, le contenu se trouve partout. L’enseignant peut-être garant de sa qualité et aider l’élève à trouver un contenu adapté. Mais le sens (pourquoi fait-on des mathématiques, qu’est-ce que ça peut apporter à l’élève dans sa formation d’être humain, qu’est-ce que cela peut lui apprendre sur lui ? Comment est-ce que cela peut l’aider à vivre ,…) c’est avec le professeur qu’il peut le découvrir. De même, le processus (comment on s’y prend face à un problème de mathématiques, comment peut-on apprendre tel ou tel théorème ? en quoi les méthodes employées peuvent me servir dans un autre contexte ?) ce sont des apports que l’enseignant coach peut accompagner. Une autre chose importante à développer est l’esprit critique et arriver dans cette masse d’information à décrypter le vrai du faux, à croiser les informations, à voir pour quoi et par qui elles sont produites, etc.
Une autre compétence fondamentale dans ce monde en perpétuel changement, c’est la capacité à collaborer, voire à coopérer. Apprendre à travailler en groupe, apprendre à réguler… Plusieurs expériences vont dans le bon sens, comme dan: dans cette école où les élèves règlent eux-mêmes leurs problèmes de harcèlement et développent leurs compétences psycho-sociales.
L’idéal à mon sens serait de concevoir les programmes scolaires en s’attachant plus au processus et au sens qu’au contenu.
Une limite toutefois : on ne peut pas « apprendre à apprendre » (processus) sur du vide. Il est donc important d’avoir un contenu, exigeant. Mais un contenu qui fait sens pour l’élève. On peut faire de belles mathématiques avec peu de théorèmes à apprendre. La réforme actuelle de l’enseignement en France, où on commence à permettre aux élèves de se faire des parcours « à la carte » me parait aller dans le bon sens. Il n’est pas forcément nécessaire que les élèves apprennent des choses « utiles » pour la suite de leur vie.
Par exemple, à Toulouse, à l’école primaire Bayard-Matabiau, il y a une section « occitan ». Les élèves ont des cours en occitan la moitié de la journée. Des études ont montré que ces élèves sont meilleurs dans l’apprentissage des langues par la suite, et souvent meilleur à l’école en général. Pourtant souvent, l’occitan, s’il n’est pas utilisé sera oublié.
Ce que je retiens de cet exemple, c’est que peu importe ce qu’on apprend, si on le fait avec intérêt, on acquiert des capacités qu’on peut transposer dans tous les domaines.
Certaines écoles vont très loin dans cette idée, et laissent les élèves entièrement libres de leurs apprentissages. C’est le cas de l’école Sudbury. En Finlande également, ils envisagent de supprimer les matières scolaires.