La méthode Singapour

Publié le 03/01/2019

Il y a quelque temps, les média n’avaient plus que ce mot à la bouche, ou au bout du clavier : la méthode Singapour. La France venait de se prendre une fois de plus une « grosse claque » au classement PISA. Les petits français ne sont pas « bons » en maths. Et surprise, les petits «singapouriens » explosent les scores ! La France ne brille plus, la relève ne semble plus assurée…

Pourtant la France fait très bonne figure dans l’histoire des mathématiques.
Si on regarde simplement la liste des médaillés Fields depuis 1950, sur 60 médaillés,  il y a 11 lauréats ayant la nationalité française, et plus de 15 candidats issus de laboratoires français.

Pourquoi donc est-ce un problème que les petits français ne soient pas « bons en maths » ? Est-ce pour la renommée française ? Mais dans ce cas, est-il important que tout le monde fasse des mathématiques ? Une jeune cliente de Terminale, « dégoûtée des maths » m’a dit que les maths à l’école, « ça ne sert qu’à ceux qui vont faire des maths plus tard » ! Je ne sais pas vraiment pourquoi les maths ont une telle importance à l’école. Je constate, que malgré les réformes diverses et variées, c’est toujours la voie où il y a le plus de maths qui est considérée comme « la voie royale ». (Au passage, difficile de sortir de cette habitude française de comparer, classer et trier. Pourquoi toutes les voies ne seraient-elles pas royales ? Le but c’est d’avoir une vie épanouie non ? Ah désolée, j’ai dû me tromper…). Pourtant, le concept d’intelligences multiples commence à être répandu. Mais c’est toujours l’intelligence logico-mathématique la plus valorisée, en France en tout cas. Voir dans un de mes précédents articles quelques notions sur les intelligences multiples.

Qu’est ce que la méthode Singapour ? Une petite vidéo qui l’explique très bien.

Trois idées à retenir:

  • Partir du concret pour développer une pensée abstraite,
  • Laisser l’élève découvrir par lui-même,
  • Valoriser l’erreur.

Ces idées ne sont pas nouvelles (Maria Montessori ne disait pas autre chose, on retrouve aussi ces approches dans la gestion mentale, dans la psychopédagogie positive…), elles ont par contre été mises joliment en pratique. L’enseignement français des mathématiques a-t-il été victime de la qualité de la pensée mathématique française ?

C’est ce que je pense. En effet, vers le milieu du 20ème siècle, s’est créé le groupe Bourbaki.

Groupe Bourbaki
Les chercheurs du groupe Bourbaki au travail.

Les plus grands mathématiciens français se sont donnés pour tâche de réécrire toutes les mathématiques, « dans l’ordre ». En effet les mathématiques, c’est une suite logique d’affirmations, reposant sur des axiomes. Il y a « un sens ». Par exemple, on ne peut pas construire les nombres réels sans avoir d’abord construit les fractions. Qui elles-mêmes n’existent pas sans les nombres entiers… Et au départ il y a la théorie des ensembles, la logique… Mais au départ de quoi ? La découverte ou la mise au point des mathématiques ne s’est pas du tout fait « logiquement » dans l’histoire ! Ce n’est pas ainsi que les hommes ont inventé les mathématiques. Cette vision « reconstruite » des mathématiques est très belle, très fascinante…pour une minorité de gens, et en général ceux qui ont une bonne culture mathématique. Dans un livre du groupe Bourbaki, il n’y a pas une figure, pas un dessin. Voici une page d’un des livres. C’est en anglais, mais en français c’est exactement pareil…

Une page de Bourbaki

Qu’on ne s’y trompe pas : j’ai énormément d’admiration pour ces mathématiciens, pour les mathématiciens en général. Leur challenge était énorme ! Mais il devait rester à l’usage des chercheurs ou des amateurs, pas rentrer dans l’enseignement. Ça a été l’apothéose avec les maths modernes… On en est sorti, mais ce qui subsiste actuellement, c’est la conception « d’une belle démonstration ». Quand un professeur fait une démonstration en classe, souvent il gomme toute la partie « recherche », pour ne présenter que le déroulé de la démonstration. Ce qui met l’étudiant en position de « mais comment penser à cela ? je n’y serais jamais arrivé tout seul ! » (Le prof non plus d’ailleurs, il ne fait que reproduire ce qu’il a appris, avec parfois du talent… Je dis ça sans méchanceté, moi aussi j’ai fait la même chose. Mais ce serait peut-être bien de le dire aux élèves ! Et de leur présenter d’abord toute la recherche effectuée. Les idées ne tombent pas du ciel. Bref, leur apprendre à réfléchir. Mais c’est une autre histoire !)

faire des maths
Mathématicien en plein créativité.

De même, quand on définit un nouveau concept, même s’il y a des progrès et que maintenant les professeurs essayent de le motiver par des « activités préliminaires », on arrive très vite à la définition abstraite. Quand je demande à mes clients, qu’est-ce que c’est… « une suite » par exemple, ils ne savent pas. Ils ne « voient » pas. Ils n’ont pas de représentation concrète. Difficile de travailler dans ces conditions. Difficile de trouver du sens.

Donc OUI à la méthode Singapour ou quel que soit son nom ! Ces trois préceptes devraient être au fronton de toutes les écoles !

  • Partir du concret pour développer une pensée abstraite,
  • Laisser l’élève découvrir par lui-même,
  • Valoriser l’erreur.

Dans mon cabinet, c’est ce que je propose. Apprendre à la personne à se faire une représentation concrète des objets mathématiques, apprendre à réfléchir, pas à pas. Et surtout, donner du sens à l’enseignement des maths!

Pour ceux qui se demandent à quoi servent les mathématiques, je vous renvoie à un de mes précédents articles.