Je me suis longtemps demandé pourquoi il y avait si peu de filles qui faisaient des études de maths après le lycée, alors que dans les séries scientifiques il y a à peu près moitié de filles, et que, statistiquement, les filles réussissent plutôt mieux que les garçons.
Quand je suis rentrée en classe prépa, dans les années 80, on était très peu de filles, 10% à peu près, surtout en deuxième année, « en M », « meilleure classe « , où les maths jouaient un rôle prédominant.
Les choses n’ont pas tellement changé à notre époque, le pourcentage est aux alentour de 30 % en général, plutôt 25 % dans les filières maths. Voici un tableau assez complet de la situation (mais datant de 2011), et ici un autre article plus récent mais moins précis ( les différentes prépas scientifiques sont mélangées).
Le nombre de femmes professeurs de maths est également faibles, de plus en plus faible plus on « monte » dans les niveaux de classes.
Pourquoi si peu de femmes dans les mathématiques ?
Je me suis longtemps dit que les maths étaient une matière « froide », désincarnée, et que les jeunes femmes sont plus portées vers des activités où la relation humaine prend davantage de place, ce qui expliquait que finalement, elles se dirigeait vers d’autres carrières (Attention, je ne dis pas que c’est génétique….)
Si je considère mon cas particulier, c’est exactement cela, en tout cas c’est là qu’à été le nœud du problème dans ma carrière, dans mes choix. J’étais « bonne en maths », mais ce qui m’intéressait c’était la psychologie. J’ai quand même fait des maths, pour de mauvaises raisons (voir mon parcours), et j’ai refusé de faire une carrière dans la recherche parce que c’était vraiment trop loin de l’humain. En tout cas c’est ce qu’il me semblait à l’époque.
Le métier de professeur m’a permis de concilier mes talents mathématiques ainsi que mon besoin de relations humaines. Car dans l’enseignement, avant la transmission des connaissances, de sa matière, le plus important c’est la relation à l’élève. C’est mon point de vue en tout cas. Même si ce n’était pas sur cela que l’on était recruté, à l’agreg de maths en 85, le seul critère, c’était la capacité à résoudre des problèmes de maths et à exposer des notions de maths. Quand j’ai été membre du jury de l’agreg, de 2003 à 2007, ça n’avait pas du tout changé. Je ne suis pas sûre que les choses soient très différentes maintenant.
Donc pour en revenir aux maths, est-ce une matière froide et désincarnée, dans les quels la poésie, l’amour, la créativité, la relation humaine sont absents ? En m’intéressant à certaines figures féminines (Ada Lovelace, Sofia Kovaleskaya ou Maryam Mirzakhani plus récemment), je me suis dit qu’il fallait prendre le problème dans l’autre sens.
Les mathématiques, un métier d’homme ?
Il y a certainement une façon masculine et une façon féminine d’aborder le monde. Aujourd’hui, en tout cas dans notre société, les hommes sont beaucoup moins nombreux parmi les coachs, les psychologues, les thérapeutes, etc., et également parmi leurs clients. Dans les métiers de l’aide à la personne, au sens large, (infirmiers, aide-soignants, etc.) il y a encore une majorité écrasante de femmes. Dans mon activité de conseillère en bilan de compétences, Il y a un pourcentage énorme de femmes aussi bien parmi les clients que parmi les conseillers. Les hommes ont beaucoup plus de mal avec l’introspection et l’expression de leurs sentiments, ainsi qu’à demander de l’aide et se remettre en cause. Je suis évidemment consciente que c’est une vision statistique des choses, bien entendu on connaît tous des personnes qui ne rentrent pas dans ces schémas. Mais les statistiques ne parlent pas des individus, mais des cohortes. Et de plus, je répète que je pense que ces comportements sont culturels et pas génétiques!
Pourquoi les déterminants sociaux démontrent qu’il n’existe pas de différence intrinsèque dans les capacités mathématiques entre les garçons et les filles ?
Comme dans le milieu mathématique il y a beaucoup plus d’hommes, les maths apparaissent comme froides et désincarnées, et peu de femmes sont attirées par cette discipline. Ce que je crois, c’est que si plus de femmes se mettent à faire des maths, les maths changeront de figure. Si notre société pousse plus de femmes à faire des maths, les maths changeront de goût et de couleur. La poésie, la relation, les sentiments, l’humanité y prendront plus de place.
Merci à l’association femmes et maths qui œuvre pour que les choses changent !