Blocages et psychopédagogie positive – 2

Publié le 11/12/2016

Si vous ne l’avez pas encore lu, retrouvez ici le premier article de la thématique « Blocages et psychopédagogie ».

Comment parlent les professeurs de mathématiques ?

Le langage mathématique a des spécificités et des codes qui ne sont pas toujours explicités. Les professeurs qui font des mathématiques toute la journée ne se rendent plus forcément compte de ces particularités, et les élèves n’osent pas forcément le demander. En effet, si un élève ne comprend pas une définition (par exemple il a une représentation d’une droite, d’une courbe ou d’une suite, issue de son expérience propre qui ne correspond pas avec l’approche mathématique), le professeur se contente souvent de répéter la définition, faute de temps, ou faute de ne pas savoir quoi dire d’autre, car pour lui elle est limpide.

Il y a parfois de simples conflits de langages. Je pense à Joseph, en 4ème, qui me dit « mais qu’est-ce que ça veut dire : deux sur trois  ? Pour moi ça fait 5. » Ce qui est logique : si on a deux legos l’un au-dessus de l’autre, et qu’on en met trois sur les deux, on a une pile de 5 !

legos

L‘utilisation des lettres, des « x » et des « y » etc. est souvent complexe pour un élève alors que pour un professeur il n’y a pas de problème. « Qu’est-ce que c’est que cette lettre ? Je ne la connais pas ».  Et l’élève reste bloqué là-dessus.

Il y a aussi beaucoup d’ambigüités dans le langage mathématique, de sous-entendus. Que veut dire factoriser une expression ? Ou la simplifier ? Il y a toujours une raison derrière le calcul. Par exemple, si on veut étudier la limite en « + l’infini » de « f(x)=x²-3x+2 », on la factorisera en « x²(1-3/x+2/x²)», mais si on veut étudier le signe de f(x) ou résoudre l’équation f(x)=0, on la factorisera en (x-1)(x-2).

Donc si l’énoncé est « factoriser  f(x)=x²-3x+2 »,  quelle est la réponse attendue ?

L’enseignement des mathématiques à l’école, au collège, au lycée

Pour rendre les mathématiques accessibles, on les a malheureusement vidé de leur sens. Les horaires et les programmes se réduisent sans cesse. L’enseignement des mathématiques ressemble parfois à une accumulation de techniques. Le blocage viendrait-il  du sentiment de l’élève « qu’on se moque de lui» ? Les mathématiques, c’est l’art de se poser des questions, mais quel élève le définirait comme ça ?

On lui apprend des recettes et on lui demande de reproduire « le raisonnement de la prof », s’il comprend tant mieux, mais ce n’est pas une obligation. Par exemple souvent les élèves disent : « on fait passer » un nombre « de l’autre côté » du signe égal. (A côté ou « en dessous ») ? Ils voient cela comme une sorte de tour de passe-passe et oublient la signification, les opérations qui sont à l’œuvre. Pour avoir une forme d’efficacité, on apprend à l’élève à acquérir des réflexes, de recettes. Chaque exercice lui semble différent du précédent, et il pense que « s’il n’a pas fait l’exercice en classe, il ne pourra pas le faire le jour du contrôle ».

Pour ne pas développer certains concepts (par exemple fonctions composées), dans les programmes on donne dix formules à apprendre là où une seule suffirait. On insiste sur l’aspect technique (bien sûr que c’est important, mais il faut aussi le situer dans un contexte) et on laisse de côté la résolution de problème. Les professeurs ne comprennent pas forcément ce qui bloque les élèves, et malheureusement parfois ne cherchent même pas à comprendre. On dit par exemple à l’élève : « réfléchis ! ». Mais qu’est-ce que ça veut dire réfléchir en mathématiques ? Comment on s’y prend ? Les professeurs n’ont pas toujours le temps de s’attarder sur les cas particuliers, par manque de temps, et de formation. Certains d’entre eux malheureusement ne sont pas non plus bienveillants, l’élève a plutôt l’impression qu’on cherche à le « piéger » ; les mauvaises notes sont décourageantes.

C’est également une matière dans laquelle il est difficile de reprendre pied une fois qu’on a décroché. Le système scolaire français ne tient pas toujours compte du temps d’apprentissage nécessaire à chaque élève, ni de ses modes d’apprentissage privilégiés. Les élèves ne sont également pas tous au même stade de maturité au même âge et ne peuvent pas forcément franchir, au moment où on leur enseigne, le degré d’abstraction nécessaire.

Cette discipline, qui demande d’être actif (le but est d’arriver à faire des mathématiques, c’est rare qu’on écoute des mathématiques comme on peut écouter une histoire), nécessite donc de se sentir en sécurité pour proposer des solutions, expérimenter, se tromper. Or, les cours ne sont pas toujours conçus comme cela. Les élèves redoutent (peut-être à tort ?) le jugement de leurs camarades et de leurs professeurs.

L’apprentissage des mathématiques se fait surtout sur un modèle unique (on écoute, on note et on refait). Mais cela ne convient pas à tous les élèves, certains sont kinesthésiques et ont besoin de ressentir sur leur corps (par exemple de compter sur les doigts, ce qui est vite très mal vu) ou bien de manipuler des objets (par exemple des parts de tartes pour comprendre les fractions, ou des modèles en 3D pour la géométrie dans l’espace).

Pour pouvoir faire des mathématiques, il est nécessaire de pouvoir aller à son rythme, dans un environnement de confiance, où toutes sortes d’expérimentations sont possibles. Pour certains élèves, ces conditions ne sont pas réunies en classe.

Dans un ancien article, je parlais d’enfants indiens qui font des « championnats  de calcul sur les mains. » La vidéo, toujours impressionnante:

Chaque cas est particulier

Il y a des aussi des raisons propres à chaque élève.

Des histoires de loyauté familiale par exemple. Un élève dont les parents répètent tout le temps « qu’ils sont nuls en maths » peut avoir du mal à accepter d’avoir des compétences que ses parents n’ont pas.

Un élève qui a des problèmes avec ses « racines » pourra-t-il comprendre la notion de « racine carrée » ? S’il doute de sa valeur personnelle, pourra-t-il comprendre la notion de valeur absolue ? (voir le livre d’Anne Siety, Qui a peur des mathématiques, chez Denoël).

Un élève peut bloquer sur un terme entendu à l’école primaire qu’il n’a jamais osé se faire expliciter, et qui lui laisse la désagréable impression que « les maths, c’est du chinois ».

Il peut y avoir également des difficultés d’apprentissage, des méthodes inadaptées, une hygiène de vie non favorable, des problèmes personnels trop lourds, etc.

Car pour être à l’aise dans ses apprentissages, il est primordial d’être « Bien dans sa tête, bien dans son coeur, bien dans son corps »!

tete-corps-coeur

Dans un prochain article, je vous exposerai les solutions que je propose pour se « réconcilier avec les maths », issues de la psychopédagogie positive d’Audrey Akoun et Isabelle Pailleau. Voir leur site La Fabrique à Bonheurs.

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